Le manifeste

 

 

MANGUE: LE CONCEPT

Estuaire: Partie terminale d'une rivière ou d'un lac. Portion finale d'un fleuve où l'eau est saumâtre. Sur ses rives, on trouve la mangroves: communauté de plantes tropicales et subtropicales inondée par le mouvement des marées.
Du fait de l'échange organique entre eau douce et eau salée, la mangrove est l'un des écosystèmes les plus productifs au monde.
On estime à 2 000 le nombre de micro-organismes, animaux vertébrés et invertébrés qui sont associés à la végétation de la mangrove.

Les estuaires fournissent un lieu de ponte et de développement pour les 2 tiers de la production annuelle de poissons du monde entier...

...Ce n'est pas par hasard que les mangroves sont considérées comme la base de la chaîne alimentaire marine. Pour les scientifiques, elles sont symboles de fertilité, diversité et richesse.


MANGUETOWN, LA VILLE

La plaine côtière sur laquelle a été fondée la ville de Recife est coupée par 6 fleuves. Après l'expulsion des hollandais au XVII ème siécle, la ville s'est développée de manière anarchique à coups de remblais arbitraires, au prix de la destruction de ses mangroves. Mais l'inévitable distorsion de la notion de progrés qui a élevé la ville au rang de “Métropole du Nordeste” a vite fait de révéler sa fragilité. Il a suffit de quelques imprévus de l'histoire pour que les premiers signes de sclérose économique se manifestent au début des années 70. Depuis, le syndrome de la stagnation allié à la permanence du mythe de la “Métropole” n'a fait qu'accélérer la dégradation du tableau de la misère et du cahos urbain.

Recife détient aujourd'hui le plus fort taux de chomage du pays. Plus de la moitié de ses habitants vivent dans des favelas ou équivalents. Selon L'Institut d'Etudes des Populations de Washington, c'est la quatrième pire métropole au monde.


MANGUE, LA SCÈNE

Urgence! Un choc rapide ou Recife meurt d'un infarctus! Pas besoin d'être médecin pour savoir que la manière la plus simple d'arrêter le coeur d'un individu est d'obstruer ses artères. Et le moyen le plus rapide “d'infarcter” et de vider une ville comme Recife de son âme est de tuer ses fleuves et de détuire ses estuaires.
Que faire pour ne pas sombrer dans la dépression chronique qui paralyse les citoyens...Comment leur rendre leur punch et recharger les batteries de la ville? Simple! Il suffit d'injecter un peu d'énergie dans la boue et de stimuler ce qu'il reste de fertilité dans les veines de Recife.

A la mi-91, articulé en divers points de la ville, un noyau de recherche et de production d'idées pop a commencé à voir le jour. L'objectif était d'engendrer un circuit énergétique capable de connecter les bonnes vibrations des mangroves au réseau mondial de circulation des concepts pops. Image symbole: une antenne parabolique plantée dans la boue.

Aujourd'hui, les “mangueboys” et “manguegirls” sont des gens qui s'intéressent au hip hop, au colapse de modernité, au cahos, aux attaques de prédateurs (essentiellement les requins), à la mode, à Jackson do Pandeiro, à Josué de Castro, à la radio, au sexe non virtuel, au sabotage, à la musique de rue, aux conflits ethniques, à Malcolm Mac Laren, aux Simpsons et à tous les progrès de la chimie appliqués aux domaines de l'altération et de l'expansion de la conscience.


Fred Zero Quatro - 1992